L'authentique élégance de la parole calligraphique commence précisément dans l'au-delà du savoir faire du maître enlumineur : il ne s'agit nullement de s'appliquer à former sur la page les parfaits caractères de l'artisan copiste et de produire un bel ouvrage offert à l'appétit du bibliophile, mais de rejoindre dans la ligne et le mouvement vivant qui la développe, l'essence inconnue du poème.
Henri Renoux, ce faisant, opte pour un oecuménisme de l'esprit en convoquant à travers le texte hébreux de l'Ecclésiaste l'enseignement de sagesse du Qohélet mais à partir de sa traduction arabe. Il en restitue la saveur poétique et initiatique dans le style calligraphique ottoman « diwani » contemporain du sultan Mehmet II, dit le Conquérant, celui qui s'empara de Constantinople en 1453.
Pour cette variation sur le Cantique des cantiques, l'auteur a uni deux écritures, par le biais de la calligraphie : l'hébreu et l'arabe.
Au terme du passage, n'avoir déposé pour toute trace que ces pages tatouées de signes peu sûrs, également doués d'inquiétude et d'émerveillement. Qu'un bouquet d'articles de A à Z, composé malgré tout avec patience, sinon obstination. Sans le mutisme d'une carpe, mais non sans son ignorance...
Comme un legs infime et redoutable, pérenne et délébile, que seuls nous accorderaient ceux qui vont s'allégeant sur leurs chemins de brume. Un don discret dans la rivière des jours.
À travers les charivaris du temps commun à tous, avoir un peu approché l'intime avec un semis de mots plus ou moins serré.
Avoir entremêlé la prose du monde et ces phrases ou ces vers que l'auteur voudrait aussi devant soi.
Avoir consigné, au bout d'incursions aussi étonnées que passagères, l'abécédaire d'un poisson d'eau douce-amère, d'une carpe à la merci d'une terre tout en clair-obscur.